Accélération du temps
Sommes nous encore maîtres de notre temps ?
Ce qui me frappe en écoutant les personnes me parler de leur travail, c’est que le temps est la chose qui semble leur manquer constamment : » Je n’ai pas le temps ». Pourtant, du temps, chacun en a chaque jour autant qu’un autre. Alors ?
La vitesse au travail est érigée comme symbole de l’efficacité et de modernité. Les exigences de réactivité, d’adaptation constante dessinent un faisceau de contraintes assorties d’injonctions paradoxales « Il faut faire vite et bien ». Pourtant, l’impératif de réduction du temps limite les possibilités d’anticiper, de se concerter, de transmettre aussi les savoir-faire professionnels, condition de réussite de la fidélisation des nouveaux arrivants (C. Gaudart, S.Volkoff.2022).
Les travaux sociologiques montrent que notre rapport au temps au travail et en dehors du travail, s’est modifié. Le présent se contracte donnant le sentiment d’une accélération du temps (Rosa, 2010). Dans un monde dicté par le tout numérique, les innovations visant à faire gagner du temps – visioconférences, applis de discussions, plates-formes de livraison… participent à son accélération. Ce qui n’est pas sans incidence sur notre capacité d’attention, de réflexion, de sensibilité et sur notre santé. Comme rien n’est vécu que dans l’instant et par l’instant, c’est à l’instant d’en porter toute la charge ; impossible, quand elle est trop lourde, de la répartir pour l’alléger.
Ce culte de l’immédiateté serait-il incompatible avec la lente élaboration que nécessite tout travail sur soi-même ? Accepter de prendre le temps qu’il faut pour analyser ce que l’on fait, pourquoi on le fait, ce qui nous arrive, pour pouvoir nommer et comprendre ce qui se « joue » au travail est une démarche qui ne va pas de soi et qui pourtant est nécessaire, au risque de se perdre.
Sénèque disait : « Lucilius, si tu n’y prends garde, la plus grande part de la vie se passe à mal faire, une grande à ne rien faire, le tout à faire autre chose que ce qu’on devrait. »
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