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Au fil des entretiens, dans les récits des histoires de vie au travail et les questionnements, des mots émergent, demandent à être clarifiés, des thèmes sont explorés ensemble. J’en ai choisi ici quelques-uns, récurrents. Je les partage avec vous, comme sources de réflexion, d’inspiration ou bien de curiosité. Leurs définitions sont éclairées par les apports de sociologues, psychologues, philosophes ou bien de poètes et artistes.
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Étymologiquement, le mot « autorité qui vient du latin « augere » exprime l’idée d’« augmenter » , la capacité de faire grandir quelque chose, quelqu’un. Et peut-être est-ce là l’essence du métier de manager. Cela ne veut pas dire « il sait nous fait obéir », ce n’est pas un joug ou une manipulation. « Un maître, ce n’est pas quelqu’un qui nous oblige ; c’est quelqu’un qui nous attend, pour nous donner quelque chose, de manière très généreuse » nous dit Ariane Mnouchkine. Nous reconnaissons par expérience « l’autorité » de ceux qui peuvent être vus comme des exemples vivants du chemin qu’ils invitent l’autre à suivre. Ce que confirme l’enquête sociologique de Barthélémy et Cette (2017) Travailler au XXIe siècle : les collaborateurs considèrent qu’un « bon manager » est celui qui se soucie de l’avenir des membres de son équipe.
Le pouvoir donné par l’organisation ne permet d’agir que si une certaine autorité est reconnue par les équipes.
Ce qui me frappe en écoutant les personnes me parler de leur travail, c’est que le temps est la chose qui semble manquer constamment. Le culte de l’urgence tend à s’imposer dans le monde professionnel : les exigences de réactivité, d’adaptation constante dessinent un faisceau de contraintes assorties d’injonctions paradoxales « faire vite et bien ». Si certains, pendant un temps sont enivrés par la pression, d’autres la vivent comme une compétition sportive épuisante car permanente. Autant de temps est passé à fournir des reporting, à évaluer les résultats qu’à réaliser sa tâche avec soin. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle devient poreuse.
Les travaux sociologiques montrent que notre rapport au temps au travail et en dehors du travail, s’est modifié, le présent se contracte donnant le sentiment d’une accélération du temps (Rosa, 2010). La perception de cet état « d’immobilité fulgurante » et de discontinuité crée une expérience d’aliénation qui n’est pas sans incidence sur notre capacité d’attention, de réflexion, de sensibilité et sur notre santé. « Comme rien n’est vécu que dans l’instant et par l’instant, c’est à l’instant d’en porter toute la charge ; Impossible, quand elle est trop lourde, de la répartir pour l’alléger ; aussi l’homme, surchargé, s’use-t-il et tombe-t-il dans la nervosité. Le moi crie, car qui ne peut s’étendre dans le temps éclate par le cri dans l’espace. » (Picard. L’homme du néant. 1963)
Accepter de ralentir, de prendre un temps pour penser à ce que l’on fait, pour écouter ses besoins relève d’une démarche qui ne va pas de soi dans une société de performance.
Anxiété
La peur cette ventouse de l’âme (Artaud).
Approche « biographique », « Histoires de vie », « Récits de vie »
sont autant de termes qui recouvrent une approche psychosociologique permettant à un individu d’analyser la façon dont son identité s’est construite. Elle l’aide à :
• comprendre comment il est multi-déterminé par ses héritages conscients ou non parlés : par l’Histoire, avec son lot de blessures durables (guerres, migrations…), par l’héritage familial, les traces que laissent les expériences et les métiers des ascendants, leurs parcours professionnels (réussites, faillites…), leur rapport au travail, par leurs trajectoires sociales qui font écho chez les descendants avec les choix d’études, de métiers, de rencontres, d’investissements dans le travail, de place et de légitimité…
• comment il peut devenir acteur de son histoire, auteur (sujet) de son avenir professionnel, de ses propres décisions. La personne fait quelque chose de ce qu’on a fait d’elle.
C’est un travail réflexif porteur de sens et de cohérence, qui nourrit le souci de soi.
L’approche est nourrie par plusieurs disciplines des Sciences Humaines : philosophie (Ricoeur, Habermas, Sartre), sociologie (Bourdieu, Passeron, Demazière), sociologie clinique (Gaulejac, Kaufmann, Lainé), ethnosociologie (Bertaux), psychologie et psychanalyse (Freud, Legrand).
Elle émerge comme méthodologie à la fin du XXe siècle, mais ses origines puisent dans Les Confessions de St Augustin, Les Essais de Montaigne et les Confessions de Rousseau. Des ouvrages de Georges Perec, Annie Ernaux, Didier Eribon ou Nicolas Matthieu s’inscrivent dans cette continuité.
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Burn-out
Le sentiment d’épuisement, de perte de motivation, et d’une érosion de l’engagement, dressent le portrait de personnes très investies, qui aiment leur travail et qui ont beaucoup donné, quitte à s’oublier dans le travail. Les troubles du sommeil, insomnies, cauchemars à répétition et les idées envahissantes, les ruminations, les angoisses, les comportements d’évitements ainsi que les troubles de concentration et de la mémoire complètent les tableaux.
Avec une volonté de tenir malgré tout, jusqu’à craquer avec une impossibilité physique à retourner au travail.
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Cliniques du travail
Dans son sens étymologique, la clinique signifie « incliner, pencher », klinein désigne un mouvement propre à changer un état initial. Plus largement, la clinique du travail s’entend comme un espace d’accueil, soutenu par un cadre, où il est possible de parler du travail et d’être écouté, dans la singularité de sa situation. Elle questionne les symptômes et remonte en amont au contexte pour voir ce qui les a produits et ce qui cherche à se dire. Ella a à voir avec l’organisation du travail, interroge le rapport au travail. Comme l’entend T. Périlleux (2023), dans une visée émancipatrice, « elle s’attache à permettre au sujet de prendre sa place dans un milieu de travail, pour faire entendre sa voix, parmi d’autres, en ouvrant de nouvelles possibilités de vie et de création. »
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Le contre-sens fait à propos de l’espérance consiste à la confondre avec l’optimisme. Elle n’est ni discours lénifiant ni consolation. Elle s’oppose au déni. Elle est lucidité qui vient au terme d’une lutte, d’une confrontation à la souffrance, quand on a abandonné ses croyances et ses attentes, « c’est le désespoir surmonté au prix de grands efforts et d’une longue patience » (Bernanos). Elle exige que je me connaisse moi-même et que je sache ce que souhaite accomplir en ce monde, nous dit la philosophe Corinne Pelluchon, elle implique que je sois aligné avec mon désir. Elle est retour à la vie, à l’énergie qui permet d’être soi et d’exister comme l’exprime Andrée Chedid dans son beau poème :
« J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie
Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés (…)
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir…
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Le terme de « harcèlement moral » à la suite de l’ouvrage de Marie-France Hirigoyen, tend à devenir pour beaucoup de salariés comme une expression regroupant d’autres souffrances qui expriment un malaise plus général. Le harcèlement moral, prohibé par la loi, est un concept juridique qui recouvre des réalités différentes :
- Le harcèlement peut être l’œuvre d’un individu qui tourmente intentionnellement sa victime (par des critiques, humiliations, du dénigrement, des tâches dévalorisantes…) et on vient au travail la peur au ventre.
- il peut aussi se constituer dans le dysfonctionnement de l’organisation ou du management d’un service, lorsque ce que ce dysfonctionnement altère la santé psychique.
- Ce qu’on appelle harcèlement institutionnel a été reconnu par jugement du 20 décembre 2019 du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire France Telecom relevant que : « Par leur nature, qui avait pour objet de faire dégrader les conditions de travail, les agissements structurels pour relever directement de la politique de l’entreprise et structurants pour potentiellement altérer la santé de tous les agents étaient harcelants ».
Le harcèlement caractérisé n’est jamais bénin, en dégradant les conditions de travail, il a de lourdes conséquences sur la santé psychique de la personne et sur son entourage.
Notons un arrêt important de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 19 Avril 2023 : dès lors que les juges ne constateront pas une mauvaise foi du salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral, la nullité du licenciement du salarié sera encouru.
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Sommes-nous toujours identiques à nous-mêmes ?
Nous ne cessons d’évoluer, de nous transformer tout au long de notre vie. « D’ailleurs, qui pourrait dire avec certitude qui nous sommes et si nous sommes tels une bonne fois pour toutes- ne sommes-nous pas en devenir, ne sommes-nous pas continuellement autres ? (…) Comment enfermer dans une formule abstraite une identité en perpétuel changement ? Et il est heureux qu’on ne puisse la définir- car on l’appauvrirait alors de manière affligeante, on en réduirait les virtualités infinies, on la couperait de la seule source qui la renouvelle et la maintient en vie : son dialogue avec les autres ». Y. Kiourtsakis. Double exil. Verdier.2014
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Qu’en est-il de la lenteur dans un monde où la productivité est devenue une fin en soi, où la rapidité et la réactivité sont valorisées comme des atouts ?
« Elle ne signifie pas l’incapacité d’adopter une cadence rapide. Elle se reconnaît à la volonté de ne pas brusquer le temps, de ne pas se laisser bousculer par lui, mais aussi d’augmenter notre capacité d’accueillir le monde et de ne pas nous oublier en chemin. » P. Sansot dans son ouvrage « Du bon usage de la lenteur » plaide pour un art de vivre tissé par la patience, la maturation, l’écoute et l’attention portée aux choses pour augmenter notre capacité à accueillir l’évènement. Le héros du film « Perfect days » de Wim Wenders s’inscrit dans cette continuité en célébrant la beauté de l’instant présent.
Livre
« Un livre c’est une hospitalité qui est offerte, une sorte d’abri que l’on peut emporter avec soi, où l’on peut faire retour, un refuge où résonne comme l’écho lointain de la voix qui nous a bercé, du corps ou nous avons séjourné. » P. Petit. Éloge de la lecture.
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Sens
Est-ce que mon emploi a un impact positif sur la société ? Est-ce que cette entreprise est éthique ? Responsable ?
« Sens, ce n’est pas un mot d’intellectuel », nous rappelle Cyrulnik, « donner un sens c’est mettre dans son âme une étoile du berger qui indique la bonne direction. Il faut alors marcher, rêver, réfléchir et rencontrer ceux qui nous aident à élaborer. »
La quête de sens au travail largement exprimée par les professionnels, les personnes en reconversion ou les nouvelles générations, interroge tout à la fois le sentiment d’utilité, la concordance entre valeurs personnelles et professionnelles, les conditions de travail, elle interroge les employeurs sur le plan environnemental, sur l’éthique de la gouvernance et l’impact social.
La perception du sens est toujours subjective. Il n’est pas donné, il est construit par chacun. Il peut se définir comme l’alliance de :
- L’utilité sociale, la possibilité de donner sa contribution à une transformation positive du monde
- La cohérence éthique, celle de pouvoir respecter ses valeurs professionnelles et morales,
- La possibilité de développement de soi, de ses compétences, de sa sensibilité et créativité dans son activité (Dutrot et Perez ).
Santé au travail
Comment on engage, on construit, comment on abîme sa santé au travail ?
La santé au travail ne peut être renvoyée exclusivement à la sphère intrapsychique. Au carrefour de la médecine, du droit, de la psychologie, sociologie, ergonomie et de la gestion, la santé au travail doit privilégier une approche globale pour appréhender pleinement la complexité du rapport au travail.