Soumission à l’autorité
« Un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien » (2005) est un ouvrage passionnant du philosophe Michel Terestchenko, pour mieux appréhender l’être humain et ses agissements. L’analyse cherche à comprendre, sans juger, comment des hommes ordinaires et nullement pervers peuvent dans certaines situations adopter des conduites de destructivité.
Ce ne serait pas par « intérêt « que l’on fait du mal ou qu’on peut torturer. Ni par pur altruisme qu’on se refuserait à l’abjection. La cause profonde serait notre propension, dans certaines circonstances, à l’obéissance aveugle aux ordres, à notre servilité, notre soumission à l’autorité, la propension à se conformer aux comportements du groupe ou au rôle attendu et aux idéologies. En s’appuyant sur la célèbre expérience de psychologie sociale de Stanley Milgram et sur des exemples historiques éclairants, l’auteur propose de penser les conduites face au « mal » selon un nouveau paradigme, celui de l’absence ou de la présence à soi. La présence à soi relevant de sujets conservant la conscience de leur dignité et de leur autonomie, une manière d’accorder ses actes avec ses convictions, voire d’agir en accord avec l’image de soi, et ce, indépendamment de tout regard ou jugement d’autrui, de tout désir social de reconnaissance.
En conclusion de son étude, la leçon de Michel Terestchenko est qu’« il appartient à chacun de se prémunir contre sa propension à la docilité afin d’être préparé à agir, dans les circonstances où s’exercent les injonctions d’une autorité « destructrice », en accord avec les principes auxquels il adhère et qu’il lui est demandé de mettre de côté ». Ainsi en est-il de nombreuses situations dans la vie au travail et dans la vie sociale où pareille vigilance trouverait à s’exercer.